Le commerce équitable c’est notre choix
Le 13/05/2022
Biocoop est persuadé qu’on peut corriger les inégalités économiques et sociales en remplissant son cabas. On décortique les mécanismes d’un modèle où chacun prend part, du producteur au consommateur.
Comment éviter que le commerce ne soit un rapport de force entre industriels et producteurs…toujours en défaveur de ces derniers ? Pionnier du commerce équitable, Biocoop est persuadé qu’on peut corriger les inégalités économiques et sociales en remplissant son cabas. On décortique les mécanismes d’un modèle où chacun prend part, du producteur au consommateur.
Régulièrement, les relations entre producteurs et industriels se crispent, comme en témoignent une multitude de manifestations ces derniers mois devant les supermarchés. Sans compter l'impact que pourrait avoir la guerre en Ukraine sur les marchés...
Comme toujours, les frictions se cristallisent sur les prix. Le discours dominant chez les distributeurs reste qu’« un prix ça se négocie, celui qui ne négocie pas fait une mauvaise affaire ». Certes, ces négociations commerciales sont l’expression de la libre concurrence et sont donc plutôt saines. Mais à bien y regarder, le bras de fer est totalement déséquilibré car la grande distribution s’est constituée en centrale d’achats : il y en a quatre grandes en France, qui pèsent 92 % du marché de la distribution*. Difficile dans ces conditions de faire le poids…
* Autorité de la concurrence, 2020.
DEUX LOIS EN TROIS ANS
Bien sûr, il y a eu des lois pour tenter d’encadrer ces négociations. Et comme cela ne suffisait pas, il y en a eu d’autres. La plus connue étant Egalim** – issue des États généraux de l’alimentation – qui, faute d’efficacité, a conduit à Egalim 2 en octobre dernier. En attendant la suite ? « On est dans un tel rapport de force que la loi a du mal à être appliquée. De nombreuses dérogations compliquent la tâche d’une filière à l’autre, et certains acteurs ne prennent toujours pas en compte la totalité des coûts de revient », témoigne Véronique Marchesseau, éleveuse bio dans le Morbihan et secrétaire générale de la Confédération paysanne.
S’il fallait encore convaincre des pressions exercées par ce système, reste à rappeler les promotions pratiquées ces derniers mois en grande surface : pommes de terre à 11 centimes le kilo, lait bio à 67 centimes le litre, côtes de porc à 1,77 euro le kilo, baguette à 29 centimes…
Une véritable braderie. « Comment cela est-il possible quand on connaît le temps engagé quotidiennement par les agriculteurs ? Dans les cours de ferme, le compte n’y est pas », se désole Véronique Marchesseau, qui rappelle qu’un agriculteur sur cinq vit encore sous le seuil de pauvreté.
** Loi du 2 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable.
LE TOURNANT
À côté de ce sombre tableau, s’affirme pourtant un autre modèle qui remet l’humain au cœur des échanges : le commerce équitable (CE). En France, le tournant est venu de la loi sur l’Économie sociale et solidaire de 2014, qui a donné une définition légale au CE et l’a élargie aux agriculteurs français, quand auparavant il ne pouvait concerner que les pays émergents. Les ventes issues de ce commerce représentent aujourd’hui près de deux milliards d’euros – le triple par rapport à 2015***. Les raisons de ce succès ? D’un côté, des consommateurs en quête de qualité, de goût et de transparence quant à l’origine des produits. De l’autre, des producteurs qui en ont assez de servir de variable d’ajustement. « Les Français sont aussi conscients des difficultés des paysans, victimes d’un système qui les pousse à s’agrandir toujours plus, à s’endetter et à s’épuiser. Et par leurs choix, ils ont compris qu’ils pouvaient peser et défendre une autre agriculture », souligne Marc Dufumier, agroéconomiste et ancien président du collectif Commerce équitable France, créé en 1997 par des organisations de CE dont Biocoop.
La Ferme Le Du, à Ploumilliau (22). Huit salariés et une dizaine de CDD, notamment pour les récoltes de radis, petits pois, haricots… labellisés commerce équitable. | Les bio radis équitables des Le Du ! |
Savoir à l’avance qu’il vendra sa production, c’est bien le principal avantage pour un producteur engagé dans ce commerce. Les relations commerciales sont plus apaisées du fait des contractualisations – trois ans minimum – et des échanges plus réguliers entre producteurs et commerçants : chacun s’efforce de comprendre les besoins de l’autre. « En cas de mauvaise récolte, Biocoop ne déréférence pas nos produits en rayon, mais propose d’autres alternatives temporaires aux consommateurs. Cela procure une réelle sérénité », témoigne Guillaume Cohu, paysan, membre du groupement de producteurs Biocer, sociétaire de Biocoop, et du comité de labellisation Bio équitable en France.
*** Filières internationales et françaises confondues. Observatoire 2020 du commerce équitable, Commerce équitable France.
FAIRE POUSSER UNE BIO SOCIALE
Dans les rizières de Thaïlande, dans les champs de canne à sucre du Brésil ou sous les cacaoyers du Pérou, Biocoop défriche depuis 35 ans la jungle des échanges de matières premières pour travailler avec les petits producteurs et nourrir des échanges vertueux. Dernier exemple particulièrement abouti, le « café de forêt » d’Éthiopie à marque Biocoop labellisé commerce équitable.
Résultat : tous ses chocolats (tablettes), cacao, cafés, thés (hors Japon), sucres de canne et bananes (hors Europe) sont aujourd’hui labellisés CE. Le prix des productions, identique sur la période du contrat, ne fluctue pas en fonction du marché. Équitable, il est établi de façon à pouvoir couvrir les frais et garantir le versement d’une prime de développement pour soutenir des projets collectifs : création d’écoles, de centres de santé, formations, essais agricoles…
En toute logique, la coopérative applique les principes de ce commerce alternatif aux relations qu’elle entretient avec les producteurs français partenaires, les « Paysans associés », réunis en groupements. Ensemble, ils coconstruisent des filières équitables pour sécuriser les approvisionnements du réseau et relocaliser les productions (comme les graines de moutarde ou les lentilles). Très tôt, ces groupements se sont tournés vers des modes de production respectueux de la biodiversité en encourageant leurs membres à planter des haies ou des variétés anciennes, à pratiquer la rotation des cultures ou encore le couvert végétal.
Yohann et Aurore Le Du, adhérents de Biobreizh, groupement de producteurs sociétaire de Biocoop.
Dans les magasins, auprès des consommateurs, dans les représentations publiques, Biocoop poursuit ses efforts en dévoilant la face sombre d’un modèle agricole productiviste qui ne profite qu’à une minorité, et pas vraiment à l’environnement. Pour mieux mettre en regard ses projets porteurs d’espoirs et réveiller le consommateur responsable.
Favoriser les produits locaux et de saison – savoir par exemple que les producteurs de lait doivent faire face à un pic de lactation au printemps car les bêtes ont fait leurs petits –, décrypter les labels, visiter les fermes en famille, rejoindre une association de consommateurs sociétaire de Biocoop… Toutes ces initiatives ancrent un peu plus ce modèle dans la société.
À Biocoop Rezé Saint-Paul (44), Audrey Mainguy réceptionne les pommes de Goeffroy Barral, arboriculteur à Montbert (44). Il produit également des jus de fruits. |
Retrouvez cet article dans le n°123 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.