Sans sol, pas d'agriculture bio ! Interview de Michel Reynaud
Le 06/08/2020
L’agriculture en ville se développe. Peut-elle être bio, sachant que la pollution n’est pas un mythe, que l’espace manque et qu’une certification est obligatoire pour utiliser le label AB ? Qu’en pensent les organismes de contrôle ? Notre entretien avec Michel Reynaud, vice-président du groupe Ecocert, nous ramène à la notion de sol, fondement de la bio, et à l’idée d’agricultures plurielles.
Propos receuillis par Pascale Solana
Interview de Michel Reynaud, vice-président du groupe Ecocert
Agriculture urbaine et agriculture bio, est-ce compatible ?
Il faut s’entendre sur les mots culture, agriculture et agriculture biologique. L’agriculture est un processus relié au sol. Et dans la philosophie et les principes de l’agriculture biologique, la notion de lien au sol est incontournable. Sans sol, comme dans une culture en bac, sur les toits, les murs…, pas d’agriculture bio. Ce qui n’empêche pas l’intérêt agroécologique ou social.
Mais la plupart des cultures, même en pots, poussent avec de la terre !
Certes, mais il aura fallu la prélever ou décomposer des déchets pour obtenir un support. C’est une démarche écologique, surtout sans recours à la chimie de synthèse, mais elle ne peut être certifiée biologique, puisque le lien au sol est une obligation du règlement.
Pourquoi le lien au sol est-il si important en bio ?
C’est notre relation même à la terre ! Dans la nature, les plantes sont nourries par l’écosystème du sol, un sol vivant, lui-même en lien avec le sous-sol et la roche mère*. Une dynamique cohérente où l’homme nourrit alors la vie de ce sol qui nourrit la plante qui nourrit l’animal, etc. Par ailleurs, une plante peut pousser hors-sol ou en bac, mais quid de sa vitalité, de sa saveur ? La question du vivant se pose…
Et les endives et les champignons ?
Deux cas spécifiques différents de l’hydroponie**, interdite en bio. Les chicons sont cultivés en pleine terre***, seule la phase finale traditionnellement appelée « forçage » se fait en bac. Et les champignons sont cultivés sur substrats eux-mêmes cadrés en bio par des prescriptions réglementaires. Pourquoi ne pas modifier le règlement ?
Outre les principes exposés, l’agriculture biologique est cadrée. Pourquoi apporter de la confusion ?
Tout ne peut pas s’appeler bio ! Et d’ailleurs est-ce utile ? Mais il peut y avoir des approches différentes et complémentaires. Il semble plus pertinent de travailler sur des cahiers des charges et des repères spécifiques aux différentes formes de cultures, urbaines, périurbaines, avec ou sans serres, etc., comme différentes initiatives ont commencé à le faire.
Alors dans une culture urbaine, en pleine terre donc, que contrôlez-vous ?
En premier, le lieu. Il doit être habilité à un usage agricole et sain. Ce n’est pas le cas de friches industrielles ou de zones très polluées, par exemple par les pesticides comme en Martinique ou en Guadeloupe. Ensuite, nous vérifions la conformité de ce qui est mis en œuvre avec le cahier des charges, comme pour toutes les productions bio.
* D’où la typicité, comme avec le vin.
** Sur support inerte irrigué de solutions nutritives.
*** Le chicon ou endive, rejet feuillu d’une racine, qui se développe dans l’obscurité. En bio, arrosé d’eau et sans engrais.
En savoir plus sur l’agriculture urbaine, sujet du grand dossier de notre n° 111 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.